L’automne est la saison des longs voyages à la cour de Grande-Bretagne : le 31 octobre Charles III et la reine Camilla s’envoleront pour le Kenya ; début novembre ce sera au tour du prince William, l’héritier du trône, de passer quelques jours à Singapour.

Parce que le quotidien des familles régnantes est fait de départs, joyeux par beau temps, pessimistes sous les orages de l’histoire, nous vous racontons aujourd’hui le voyage royal dans tous ses états : la traversée de l’Atlantique par Grace Kelly pour rejoindre le prince Rainier de Monaco, les 20 000 jours d’itinérance de Marguerite de France et les routes de guerre de Charlotte de Luxembourg ; les chemins de randonnée de Victoria de Suède et les bagages d’Elizabeth II, l’Amérique de Kate et les promenades immobiles de l’impératrice Joséphine.

Nous parlerons de bateaux-dragons, de courage et de liberté, de serres merveilleuses et de rendez-vous au-delà des mers.

Vous avez le programme.

C’est parti…

Première fois

Kate et l’appel de l’Amérique

Juillet 2011. La duchesse de Cambridge, mariée au prince William depuis deux mois, se prépare à effectuer un déplacement officiel de onze jours en Amérique du Nord – celui qui va installer son image sur une scène globale.

Le public outre-Atlantique s’est toujours montré bienveillant envers les princesses qui manquent encore un peu d’expérience. Mais la représentation à l’étranger reste un exercice à embûches. Sur les 22 000 kilomètres du parcours (Ottawa, Montréal, la ville de Québec, l’Île-du-Prince-Édouard, Yellowknife, Calgary et Los Angeles), les foules, les dignitaires locaux et les 1 300 journalistes accrédités vont en effet tout observer de la nouvelle altesse royale, sa manière de serrer des mains, de naviguer dans un bateau-dragon, de porter un chapeau de cowboy, de promener son sourire et son regard.

Résister à la pression

Le passé, notamment les premiers voyages de Diana au début des années 1980, a montré à quel point cette attention continue peut se révéler source de stress. Dans l’entourage du duc et de la duchesse de Cambridge on pense Kate capable de résister à la pression. La reine Elizabeth II a tout de même insisté auprès de son conseiller aux affaires canadiennes Kevin MacLeod, en charge de l’organisation du déplacement, pour que le programme tienne compte (aussi) des centres d’intérêt de la jeune femme.

Signe des temps, l’entourage du couple se bornera en tout et pour tout à sept personnes et Kate, à sa demande, ne sera pas accompagnée par une dame d’honneur. « Plus vous vous entourez de signes extérieurs de royauté plus les gens attendent de vous, confie à l’époque l’une de ses proches. Et on sait bien qu’ensuite, il n’est plus possible de revenir en arrière. »

🛶 Un mot en passant. Le bateau-dragon est une pirogue à 20 pagayeurs qui a donné naissance à une pratique sportive de plus en plus populaire à travers le monde, notamment au Canada.

On vous montre

Comment Elizabeth II avait recréé son intérieur de jeune mariée à bord du yacht royal Britannia

Des fauteuils et des sofas fleuris, du bleu turquoise et des moquettes pastel… Le Britannia, navire emblématique de la famille royale de 1953 à 1997, était le seul endroit au monde que la souveraine et son époux, le prince Philip, avaient pu meubler selon leurs goûts. Ils avaient choisi d’y recréer l’atmosphère d’une maison de campagne et s’étaient inspirés de la décoration de Clarence House, l’hôtel particulier londonien où ils avaient vécu après leur mariage.

8 boîtes de chocolats à la menthe, 3 tiares de diamants et 22 musiciens…

Quand Elizabeth II faisait ses valises

Le nombre de kilomètres parcourus par la reine en soixante-dix ans de règne représente l’équivalent de 42 tours du monde (au moins). Retour en quelques anecdotes sur une vie de voyages. Où l’on découvre une souveraine fascinée par Hollywood. Et le petit inventaire – extraordinaire – de ses bagages.

Infatigable. Quelques mois seulement après son couronnement, Elizabeth II effectue une tournée des nations de l’organisation internationale du Commonwealth, dont elle est le chef. Entre novembre 1953 et mai 1954, elle parcourt plus de 70 000 kilomètres, visite 13 pays, prononce 157 discours et donne… plus de 13 000 poignées de mains.

Entourée. En 1968, la souveraine se rend en visite d’État au Brésil et au Chili. Le séjour mobilise 5 avions, un bateau et ses 250 membres d’équipage, 2 frégates de la Royal Navy, une suite de 35 personnes parmi lesquelles un chef pâtissier et un « page de la Présence », ainsi qu’un orchestre de 22 musiciens.

Prévoyante. Dans ses bagages : des conserves de cake aux fruits et de chipolatas, 6 paquets de biscuits shortbread, 8 boîtes de chocolats à la menthe After Eight, 6 pots de confiture (3 de fraise, 3 de framboise), 6 bouteilles de crème sure, des dizaines de bouteilles d’eau plate Malvern, un paquet de persil séché, du sucre d’orge (pour s’éclaircir la voix), des oreillers en plume, 3 tiares de diamants, une bouilloire customisée par le prince Philip à l’époque de leur mariage et quelques bouteilles d’anjou rosé.

Aux anges. Elizabeth II adorait les comédies musicales (mais oui) et le cinéma. En 1983, Ronald Reagan profite d’une visite de la reine sur la Côte Ouest pour l’inviter à déjeuner à Hollywood – où elle rêvait d’aller depuis toujours. Dans les studios de la 20th Century Fox, la souveraine rencontre Fred Astaire, Bette Davis, Jimmy Stewart, Dionne Warwick, Frank Sinatra et toute l’aristocratie du 7e Art. Quelques heures où elle a été « incroyablement heureuse », nous dit-on.

Prudente. Elizabeth II n’aimait pas voyager par les airs. Les avions mis à sa disposition devaient, en plus des équipements indispensables à son confort, être équipés d’un médaillon de saint Christophe, le saint patron des voyageurs.

📍Le saviez-vous ? La reine était au Kenya lorsqu’elle a appris le décès de son père, George VI, le 6 février 1952. Un récit à découvrir dans l’épisode 6 (saison 1) de notre podcast Elizabeth II, le règne et l’intime.

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L’album photos

Sereine. Entre 2017 (elle avait alors 40 ans) et 2019, la princesse héritière Victoria a visité à pied les 25 provinces du royaume de Suède. Une aventure à la découverte des trésors naturels et des paysages magnifiques de son pays qui, dit-elle, « a enrichi sa vie ». Et la marche comme une invitation à protéger la beauté de ce qui nous entoure.

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On va plus loin

👸 Avec Marguerite de France. Elle a séjourné 628 fois à Arras, 458 fois à Hesdin, 93 fois à Troyes, plus de 300 fois à Paris. Et passé, au total, près de 20 000 jours sur les routes. Au XIVe siècle, la fille du roi de France Philippe V sillonne les comtés dont elle a hérité dans son « char madame ». Gouverner, c’est se montrer, mettre en relation par sa seule présence des territoires qui, autrement, ignoreraient tout les uns des autres. À l’époque, un simple aller-retour entre Arras et Dole peut prendre jusqu’à un mois et demi.

🇺🇸 Avec Charlotte de Luxembourg. En mai 1940, après l’invasion de leur pays par l’armée allemande, la grande-duchesse, son mari et leurs six enfants se placent sous la protection de la France. Pour Charlotte c’est le combat d’une vie qui commence, il la conduit au Portugal, à Londres, d’où elle s’adresse régulièrement à ses compatriotes sur les ondes de la BBC, ainsi qu’au Canada et aux États-Unis. La grande-duchesse rencontre à plusieurs reprises le président Franklin D. Roosevelt et parcourt le continent pour exhorter les Américains à renoncer à leur isolationnisme. Aujourd’hui encore, elle demeure, aux yeux des Luxembourgeois, un symbole fort de résistance et de lutte pour la liberté.

🌴 Avec l’impératrice Joséphine. Entre 1804 et 1805, l’épouse de Napoléon Ier fait aménager une serre chaude de 50 mètres de long et 19 mètres de large dans les jardins de son château de Malmaison, près de Paris. Chauffée par des poêles à charbon, la spectaculaire construction de verre abrite bientôt une collection de plantes rares qui rappellent à Joséphine son enfance en Martinique. La serre devient son voyage immobile, sa « petite Amérique ».

🏰 Avec Elizabeth Ire. L’été, la reine quitte Londres accompagnée de la cour pour visiter l’Angleterre et ses comtés. Les nobles chez qui elle fait étape (sans leur demander leur avis) sont priés d’offrir le gîte et le couvert à 300 personnes et 1 000 chevaux, il leur faut à la hâte construire des logements, agrandir écuries et cuisines, commander par milliers bœufs et poulets. En 1602, sir Thomas Egerton se retrouve quasi ruiné après avoir déboursé l’équivalent de 9,5 millions d’euros pour accueillir Elizabeth sur son domaine de Harefield. L’année précédente, le duc de Lincoln avait préféré fuir son manoir avant l’arrivée de la reine plutôt que d’avoir à l’héberger.

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Télégramme

Le jour où…

Grace Kelly est arrivée à Monaco

Ce 12 avril 1956, les bateaux ancrés près du port de Monaco font entendre leurs sirènes. Sur le quai dressé de mâts blancs tendus d'oriflammes monégasques et américains, plusieurs centaines de Monégasques, et autant de journalistes, assistent à l'arrivée de Grace Kelly.

La jeune comédienne a voyagé depuis New York à bord du paquebot S.S. Constitution, dont toute la Côte d’Azur suit la progression à la jumelle depuis qu’il longe la Riviera. Peu après 10 heures, le navire est entré dans la rade de Monaco sous une pluie d'œillets rouges et blancs largués depuis un hydravion affrété par le milliardaire grec Aristote Onassis. Rainier III s'est porté à la rencontre de sa fiancée à bord de son yacht, le Deo Juvante II. Alors que le bateau approche du rivage, un feu d’artifice japonais déploie les armes des Grimaldi dans le ciel de la baie.

Simplicité joyeuse et derniers instants de liberté vraie

La future Princesse de Monaco a traversé l’Atlantique en compagnie de sa famille, de ses demoiselles d'honneur et de ses amis, confrontée à la curiosité bienveillante des autres passagers et à celle des photographes, pressés d'immortaliser sa simplicité joyeuse et ses derniers instants de liberté vraie.

Son mariage civil avec Rainier III sera célébré le 18 avril dans la salle du Trône du palais princier, le lendemain les époux seront unis religieusement à la cathédrale. D’ici là, Monaco ne sera plus que félicitations, bals, spectacles et cérémonies officielles. Devant les caméras de Jean Masson et de son assistant Jacques Demy, dont le film de cinéma, tourné pour la CITEL, sortira en salles en France et aux États-Unis…

Collector

Vos questions

Pendant la visite d’État en France du roi Charles III et de la reine Camilla, vous avez été nombreux à nous interroger sur les cadeaux qui sont échangés à l’occasion des déplacements officiels. Nous avons choisi de publier la question d’Émilie, qui nous demande (c’est bien vu) :

« Est-il déjà arrivé qu’un roi ou une reine retourne ou ne puisse pas garder un cadeau qui lui a été fait à titre officiel ? »

Oui, car même offerts avec les meilleures intentions du monde, certains présents peuvent se révéler de vrais casse-têtes en termes de logistique. En 1961, par exemple, alors qu’Elizabeth II termine une tournée des pays de l’Afrique de l’Ouest à bord du Britannia, un jeune garçon lui offre… un bébé crocodile enfermé dans une boîte à biscuits. Décision est prise de garder l’animal dans la baignoire du Secrétaire particulier de la reine, Martin Charteris, jusqu’au retour du yacht en Angleterre. Le crocodile sera alors confié au zoo de Londres, où il sera rejoint en 1968 par deux jaguars, Marquis et Aizita, offerts à Elizabeth II au Brésil, et en 1972 par un bébé éléphant, Jumbo III, cadeau du président du Cameroun.

💬 Vous avez une question ? N’hésitez pas à nous la poser en répondant simplement à ce mail ou en cliquant ici. 

Quelques infos à emporter

🚢 La plus VIP. Envie de découvrir les appartements d’Elizabeth II et de sa famille à bord du Britannia ? Désarmé depuis plus de vingt-cinq ans et aujourd’hui amarré dans le port de Leith à Édimbourg, le yacht royal est ouvert aux visiteurs tous les jours de l’année (sauf le 25 décembre et le 1er janvier). Pour s’offrir le grand jeu, il est également possible de dîner ou d’organiser des réceptions à bord (tarifs sur devis).

💐 La plus dépaysante. L’univers de l’impératrice Joséphine est resté préservé dans son château de Malmaison, devenu un musée. Les aquarelles d’Auguste Garnerey, à qui l’épouse de Napoléon Ier avait confié le soin de peindre la serre chaude et les jardins de la propriété, ont été réunies par Christophe Pincemaille dans un bel album, Auguste Garnerey, Vues du jardin de Joséphine, aux éditions des Falaises.

🎥 La plus romantique. En images, le départ en voyage de noces de la Princesse Grace et du Prince Rainier III de Monaco à bord du yacht Deo Juvante II.

📚 La plus complète. La vie itinérante de Marguerite de France et le quotidien d’une fille de roi au XVe siècle sont à découvrir (et c’est passionnant) dans Marguerite de France, comtesse de Flandre, d’Artois et de Bourgogne (1312-1382) : une vie de princesse capétienne au temps des Valois, une biographie écrite par l’historien Jean-Baptiste Santamaria.

🏡 La plus nostalgique. En 2011, Kate a retrouvé sur l’Île-du-Prince-Édouard, au Canada, les lieux qui ont inspiré le roman Anne… la maison aux pignons verts, dont elle était fan lorsqu’elle était enfant. Le livre de Lucy Maud Montgomery, qui a aussi été adapté en dessin animé, est disponible en version française chez Archipoche.

🧁 La plus gourmande. Madeleines, cakes sucrés et salés… Meilleur Ouvrier de France, Nicolas Bernardé a créé 80 recettes de gâteaux de voyage aujourd’hui rassemblées dans un livre, Invitation d’un pâtissier voyageur.

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📸 Image d’ouverture : Mark Large / Daily Mail / PA Wire / Abaca. Intérieur du Britannia : Expedia / DR. Les vues de l’intérieur de Clarence House sont extraites du livre Clarence House de Christopher Hussey, éd. Country Life Limited.

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