Ce mois-ci, marguerite vous invite à accompagner une reine de France dans la longue et difficile conquête de son intimité à la cour. Et à voyager de l’autre côté de la Manche, où le prince et la princesse de Galles se dressent contre les vieilles habitudes qui enferment depuis trop longtemps les héritiers du trône.

Ensemble, nous emprunterons des escaliers dérobés, nous gravirons des montagnes. Nous vous raconterons aussi des vies cachées, le rêve brisé d’une gouvernante et l’histoire d’une correspondance disparue.

Vous avez le programme…

Bienvenue !

C’est leur histoire

Kate et William à la recherche d’un nouveau modèle

Septembre 2022. Dans les heures qui suivent la disparition d'Elizabeth II, le prince et la princesse de Galles font savoir qu'ils resteront installés à Adelaide Cottage, la maison située à quelques minutes du château de Windsor où ils viennent d'emménager avec leurs enfants, George, 9 ans, Charlotte, 7 ans, et Louis, 4 ans. William est maintenant l’héritier du trône. Dans une Grande-Bretagne qui a le cœur brisé après avoir dit adieu à sa reine de toujours, les voilà maintenant, lui et sa famille, investis de tous les espoirs. Et de toutes les attentes.

Le droit à une vie privée

Le jeune homme en est sûr : les contraintes sans fin et l’exigence de représentation auxquelles on soumet depuis toujours les principaux membres de la dynastie régnante ont été en partie responsables de l'échec du mariage de ses parents. Les souvenirs de plomb liés au divorce de Charles et Diana avaient déjà poussé Elizabeth II à desserrer l'étau autour de son petit-fils. William entend bien poursuivre, pour lui comme pour son épouse, la révolution commencée : celle de leur droit à une vie privée.

Kate, passionnée de photographie, est l'auteure de la plupart des portraits officiels de ses enfants et contrôle leur communication. L’agenda du couple s'organise en fonction des rythmes scolaires. Début novembre, la jeune femme a ainsi renoncé à faire le voyage de Singapour avec son mari pour aider George, leur fils aîné, à préparer une série d’examens.

Rester maître de son propre récit

Le prince et la princesse de Galles considèrent leur quotidien en famille comme leur jardin secret. Contrairement aux générations qui les ont précédés, ils ne posent pas pour la presse pendant leurs vacances (et ne disent pas non plus où ils les passent). Protégés par un cercle de proches et d'amis au silence d'airain, ils ont aussi fait le choix de vivre sans personnel à demeure pour plus d'intimité.

Quitter Londres, rester maître du récit dont on les entoure… Dans l’histoire de la monarchie britannique, jamais encore un futur couple régnant ne s’était montré aussi déterminé à préserver (avec succès) sa sphère personnelle et familiale. Et à en finir avec les usages du passé.

💬 Et vous, que pensez-vous des choix de Kate et William ? Envoyez-nous vos réactions et commentaires en cliquant ici.

Première séance

Le petit monde d’Elizabeth et Margaret

Dès la fin des années 1920, la mère des deux jeunes princesses organise leur médiatisation. Elizabeth et Margaret fréquentent le studio londonien de Marcus Adams, spécialisé dans les portraits d’enfants. Elles sont aussi photographiées dans l’hôtel particulier de leurs parents, sur Piccadilly, pendant leurs week-ends à Royal Lodge, près du château de Windsor ; puis au palais de Buckingham à partir de 1937. Dans cette communication très maîtrisée, tout est fait pour souligner la « normalité » de leur vie de famille et de leur éducation. Le public découvre leur univers, un petit monde où tout est perles, robes blanches et boucles sages. Les images frappent les esprits en raison de l’intimité qui s’en dégage.

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On vous raconte

Marion Crawford, la « faute » de la gouvernante

Elle les avait choyées l’une et l’autre, leur avait appris à lire et à écrire, avait tout partagé avec elles, leurs jeux, leurs joies et leurs chagrins. Inséparable d’Elizabeth et Margaret pendant seize ans, Marion Crawford, leur gouvernante, s’attire les foudres de la famille royale lorsqu’elle publie ses Mémoires, The Little Princesses (Les petites princesses), en 1950, un an après avoir quitté ses fonctions.

Un portrait bien trop personnel

“Crawfie” y raconte l’éducation des fillettes, leurs personnalités respectives, leurs relations avec leurs parents, les événements dramatiques de 1936 qui précipitent l’accession au trône de leur père, le roi George VI, ainsi que leur quotidien pendant la Seconde guerre mondiale. Le livre revient également sur la rencontre entre Elizabeth et le prince Philip, la naissance de leur histoire d’amour et leurs premières années de mariage. Son récit se veut un portrait attachant et tendre de la future souveraine et de sa sœur, mais il fourmille de détails personnels, révèle les sensibilités des uns et des autres et la complexité du quotidien au sein de la famille régnante. Il est vécu comme une trahison.

« Nous ne pourrons plus jamais faire confiance à personne. »

La mère des deux princesses avait expressément demandé à la gouvernante de renoncer à son projet – sinon, lui avait-elle écrit, « nous ne pourrons plus jamais faire confiance à personne. » La disgrâce de Marion Crawford sera donc définitive. Elizabeth et Margaret, qui avaient fini (nous dit-on) par pardonner après bien des années, ne reprendront jamais contact avec elle. De nouvelles clauses de confidentialité seront bientôt mises en place auprès des personnels du palais. Le précédent causé par la publication de l’ouvrage installera les membres de la famille régnante dans une méfiance durable.

💌 Le saviez-vous ? Dans les années 1990, la princesse Margaret avait procédé elle-même à la destruction d’une bonne partie de la correspondance privée de sa mère – et en avait rempli une trentaine de grands sacs poubelle en plastique noir. Jusqu’à sa disparition, en 2002, Queen Mum avait ensuite déchiré et jeté systématiquement les lettres envoyées par ses amis après les avoir lues.

Le podcast de marguerite

Retour aux sources

🎶 Appelez-la Katharine. Au début des années 2000, un documentaire de la BBC révèle la vie secrète de la duchesse de Kent, membre de la famille royale depuis près de quarante ans et désormais professeure de musique pour des élèves du primaire à Hull, sur la côte ouest de l'Angleterre. La très populaire cousine par alliance d'Elizabeth II ne s'est jamais vraiment faite à son statut de personnalité publique et – avec le soutien de la reine – enseigne également le piano dans un petit studio londonien proche du palais de Kensington, sa résidence officielle. Pour ses élèves, elle est tout simplement Katharine, ou « Madame Kent ».

🚜 Une fille de la campagne. Dès qu’elle peut s’éloigner (un peu) de la scène officielle, la princesse Anne retrouve son métier d’agricultrice, chez elle, à Gatcombe Park. Un domaine de plusieurs centaines d’hectares situé à une heure et demie de la capitale où la sœur du roi Charles III élève des races de bétail en voie de disparition, des cochons, des chevaux et des moutons. « Je n’ai jamais été une fille de la ville, dit-elle, et en ce qui me concerne il n’a jamais été question de vivre à Londres. Ce n’est tout simplement pas un monde pour moi. »

🌿 Calme et contemplation. Inspiré par ses séjours sur le mont Athos, en Grèce, Charles III a fait construire dans les jardins de sa propriété de Highgrove un petit sanctuaire couleur miel fait d’argile, de paille et de craie où il vient régulièrement s’isoler du monde et s’absorber dans la lecture de textes anciens. À l’intérieur : ni eau, ni électricité, mais une cheminée, un décor dépouillé et des icônes byzantines. La porte est actionnée par un système élaboré de poignées de bois dont il est le seul à connaître la séquence.

📍Le saviez-vous ? Charles III a séjourné pour la première fois dans un monastère du Mont Athos au milieu des années 1990 (il était alors l’héritier du trône) et y a ensuite effectué plusieurs retraites. Interdite aux femmes et aux enfants, dotée d’un statut autonome, la Sainte-Montagne, située en Macédoine, dans le nord de la Grèce, est un haut lieu de la spiritualité orthodoxe depuis 1054, année de la rupture entre les Églises d’Orient et d’Occident.

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La citation

L’album photos

À Versailles, le refuge caché de Marie-Antoinette

C’est dans ses cabinets intérieurs, un dédale de pièces exiguës et d’escaliers dérobés invisible depuis les grands appartements, que l’épouse de Louis XVI se retire pour échapper aux pesanteurs de la vie de cour. Elle y entre par une porte dissimulée dans sa chambre d’apparat et en contrôle elle-même les accès.

Au fil des années, Marie-Antoinette fait agrandir son domaine d’intimité en le dotant d’une salle à manger, d’une chambre équipée d’un système de fermeture automatique à distance, d’une pièce des bains ou encore d’un cabinet du Billard. Le cabinet de la Méridienne, un minuscule boudoir de 14 mètres carrés paré d’une niche-sofa, est achevé un mois avant la naissance de son premier fils, le Dauphin Louis-Joseph, en octobre 1781.

Un ambitieux programme de restauration et de restitution des décors d’origine (notamment des textiles) donne aujourd’hui au visiteur de ces petits appartements, longtemps les plus secrets du château, le sentiment troublant que la reine vient tout juste de les quitter…

Trouver sa place

L’espace sans cesse à reconquérir des reines de France

Lorsque l’épouse de Louis XV, Marie Leszczynska, arrive à Versailles en 1725, elle découvre une cour qui s'est habituée à vivre sans reine. L'épouse de Louis XIV est en effet morte il y a plus de quarante ans et une grande partie de l'espace occupé par ses anciens appartements a été réquisitionné afin d'agrandir ceux du monarque. Pour Marie, fille d'un souverain de Pologne déchu dont l'élévation à la condition de reine de France a provoqué bien des sarcasmes, le plus dur commence : trouver sa place.

Comme si elle pensait devoir mériter l'honneur qui lui a été fait, la jeune femme va se plier à la vie de représentation permanente – l'une des plus exigeantes au monde – qui est celle de la cour de Versailles. La « certaine intimité » qu'on lui reconnaît se matérialise en tout et pour tout par un « cabinet de retraite » (une pièce où l'on se retire), complété par un oratoire exigu. En 1746, après vingt-et-un ans de mariage et 10 enfants, Louis XV, notoirement infidèle et sans doute plein de regrets, décide de lui octroyer davantage de liberté en faisant aménager à son intention des petits appartements.

« Des moments où elle n’est point reine »

Discrète et humble, Marie Leszczynska rêve de pouvoir vivre comme « une particulière » des moments où « elle n'est point reine ». On la libère de plusieurs de ses obligations, comme celle de prendre ses repas en public. L'épouse de Louis XV dispose désormais d'un « laboratoire » où, tous les matins, elle peut faire de la musique, de la tapisserie et de la peinture. Grâce à elle, les souveraines qui se succéderont à l'avenir (notamment Marie-Antoinette) pourront prétendre à un quotidien un peu plus en phase avec leurs aspirations personnelles.

On aime

Vos questions

« Depuis la disparition d’Elizabeth II, qui s’occupe de ses corgis ? »

Rosemarie habite dans l’Aude et nous a envoyé cette question par email.

Rosemarie, les chiens de la souveraine ont été adoptés par son ex-belle-fille, Sarah, duchesse d’York, qui vit à Royal Lodge, sur le domaine de Windsor. Celle-ci donne régulièrement de leurs nouvelles : « Muick et Sandy sont très heureux, a-t-elle confié à la BBC. Je marche souvent avec eux dans les allées du parc, et je crois que la reine adorerait les voir courir à l’endroit même où elle venait les promener. » Lorsqu’ils aboient sans raison « alors qu’il n’y a pas un seul écureuil à chasser », dit-elle, c’est parce qu’ils sentent la présence d’Elizabeth II. Comme si celle-ci venait à passer…

💬 Vous avez une question ? N’hésitez pas à nous la poser en répondant simplement à ce mail ou en cliquant ici. 

Quelques infos à emporter

🏰 La plus privée. Au château de Versailles, les petits appartements de Marie-Antoinette sont accessibles uniquement en visites guidées – celles-ci durent environ deux heures, pause gourmande incluse. Autres lieux dédiés à l’intimité de l’épouse de Louis XVI : le Petit Trianon et le Hameau, où l’intérieur de la Maison de la Reine n’est ouvert, lui aussi, qu’aux visites guidées.

🎄La plus festive. Jusqu’au 22 décembre, réservez votre déjeuner de Noël dans la “Orchard Room” (salon du Verger) de Highgrove, la résidence privée du roi Charles III. En train comme en voiture, il vous faudra, au départ de Londres, un peu plus de deux heures pour rejoindre la propriété.

🌺 La plus chic. Burberry célèbre les quatre saisons des jardins de Highgrove avec une nouvelle collection de foulards en soie. Cette série limitée (à partir de 170 euros) a été confiée à Sammi Lynch, une artiste peintre britannique de 28 ans.

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Sources : La citation de Colette est extraite d’un article que l’écrivaine a consacré à la reine Marie de Roumanie, publié dans le journal Paris-Soir le 23 juillet 1936. Les informations sur les petits appartements du château de Versailles sont, elles, tirées de la publication L’appartement de Marie Leszczynska (1725-1768) par Manuel Lalanne (Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, 2012).

📸 Crédits photo d’ouverture : DR / SuperStock / Alamy Stock Photo / Lipinsky Dominic / PA Wire / ABACA

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