Petite sœur

Des histoires de princesses qui ont de la trempe et du caractère

Depuis que Charles III a été contraint de se mettre en retrait de la vie publique, la princesse Anne promène ses chignons épatants et ses manteaux Shibumi partout où la présence d’un membre de la famille régnante est requise.

Ce mois-ci, c’est à elle et à celles qui l’ont précédée, les sœurs de roi (et de reine), les courageuses, les essentielles, les indociles, celles pour qui les récompenses ont toujours été maigres au regard des contraintes que la scène officielle impose, que marguerite consacre son nouveau numéro.

Il y est question d’une île et de nuits passées à chanter, mais aussi de loyauté, de stratégie, d’amours contrariés. Et de cette force intérieure qui caractérise les femmes auxquelles l’histoire, le devoir, l’époque ont toujours beaucoup demandé.

Vous avez le programme.

Merci d’avoir choisi marguerite.

C’est parti…

Très jeune, j’ai accepté ce rôle qui voulait que je sois deuxième en tout. C’est un peu comme démarrer dans la vie en queue de peloton.

LA PRINCESSE ANNE

Anne et Charles

La gloire de mon frère

La sœur de Charles III le 15 juin 2023, jour de la parade militaire du Trooping the Colour qui marque l’anniversaire officiel du roi.

Chez elle tout est rapide et vif, le geste, le pas, l'esprit de répartie. À soixante-treize ans, Anne considère d’ailleurs toujours le métier de princesse comme un métier sans repos. Et « pour aider son frère, écrit son biographe, serait prête à sacrifier le reste de sa vie. »

La maladie du roi Charles III a été annoncée le 5 février. Le lendemain, Anne procède à une série de remises de décorations au château de Windsor, puis file dans les Midlands, au centre de l'Angleterre, pour y visiter un centre médical et une entreprise lainière, avant de rentrer à Londres présider la grande soirée des prix d'Ingénierie Reine Elizabeth au musée des Sciences.

Pour la fille d'Elizabeth II et du prince Philip, servir la Couronne est une sorte de vocation. Au milieu des années 1990, lorsqu'il paraissait improbable que Charles, l'héritier du trône, tout juste divorcé, puisse se remarier un jour, la princesse avait d’ailleurs été pressentie – y compris, semble-t-il, par Elizabeth II elle-même – pour remplir à ses côtés le rôle officiel qui est normalement celui des reines consorts.

Le matin du 8 septembre 2022, c’est elle qui prévient son frère aîné que leur mère est en train de vivre ses derniers instants.

Anne n'a jamais voulu être un héros, mais la disparition de la souveraine, à la fin de l'été 2022, l'a sortie de l'ombre discrète où avait fini par la reléguer sa 17e place dans l'ordre de succession. C'est elle qui, le 8 septembre en début de matinée, prévient Charles que leur mère vit ses derniers instants ; elle qui l'accueille sur le seuil du château de Balmoral, elle qui l'accompagne jusqu'à la chambre où Elizabeth II est en train, doucement, de s'éteindre.

Le jour des funérailles, la princesse est en uniforme, comme son aîné, elle est aussi la seule femme à marcher derrière le cercueil – dans l'histoire de la Couronne, c'est une première. Les quelques regards échangés entre le frère et la sœur montrent à quel point Anne se révèle ce jour-là être une présence apaisante et forte. L'un des piliers de cette période de transition.

PHOTO 1 : la princesse Anne, le prince Charles et la reine Elizabeth II lors de la cérémonie en l’honneur de l’ordre du Chardon, un ordre de chevalerie écossais, à Édimbourg, en 2001. PHOTO 2 : Anne et Charles enfants, en août 1954. PHOTO 3 : à cheval, dans le parc du château de Windsor, en 1969. PHOTO 4 : sur le terrain du club de polo de Cirencester Park, en 1988.

Ils sont convaincus l’un et l’autre que la royauté est un travail dans lequel on n’a pas le droit d’échouer.

Enfant, elle a vite compris que l’attention des autres irait à Charles, toujours, « et en grandissant, dit-elle, je m’y suis habituée. » Petits, ils étaient comme chien et chat. Aujourd'hui, même s'ils ne sont pas forcément d'accord sur tout, elle est son amie, son alliée. Ils sont les ultimes témoins des premières années du règne d'Elizabeth II, et ont en commun une histoire ancienne que personne d'autre qu'eux, jamais, ne pourra partager.

Leurs proches les créditent tous les deux d'une capacité de travail folle, d'un courage physique hors du commun et d'une incompréhension certaine du mot vacances – « je ne vois pas l'intérêt de rester assise, dit la princesse, alors que, dans le même temps, je pourrais être utile quelque part ». Sans doute sont-ils convaincus l'un et l'autre que la royauté est un travail dans lequel on n'a pas le droit d'échouer. Anne, elle, a toujours su que son frère était fait pour régner.

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On remonte le temps

Née en 1897, la princesse Mary est photographiée ici au côté de ses frères aînés : Edward, le futur Edward VIII, au centre, et Albert, le futur George VI (en Grande-Bretagne, les monarques ont en effet le droit de régner sous un nom différent de leur nom de baptême). PHOTO 2 : la jeune femme vers 1913.

👑👑 Avec la princesse Mary. Une sœur pour deux rois ! En 1936, Edward VIII renonce au trône après seulement onze mois de règne, laissant son successeur, le nouveau George VI, terrifié à l’idée d’assumer un rôle auquel il n’a pas été préparé. La monarchie est en crise, les relations entre les deux frères au plus mal. Leur sœur, la princesse Mary choisit… de ne pas choisir son camp. Fidèle, elle le restera toute sa vie à l’un comme à l’autre. La jeune femme devient l’un des membres les plus actifs de la famille régnante, toujours disponible pour seconder George VI dans sa tâche. Mais le respect qu’elle a pour lui ne l’empêchera pas d’entretenir jusqu’au bout des liens affectueux, ainsi qu’une abondante correspondance, avec son aîné, l’ex-roi Edward VIII, exilé en France. Son « très cher frère »…

📍Le saviez-vous ? Mary était Princesse Royale, un titre réservé à l'aînée des filles du monarque régnant mais qui n’avait alors été accordé que six fois dans la longue histoire de la couronne britannique. En 1987, la princesse Anne est, à son tour, créée Princesse Royale par Elizabeth II.

🏰 Avec la princesse Victoria. Elle était unique, confie le roi George V au décès de sa cadette, et « personne d'autre ne peut se vanter d'avoir eu une sœur comme elle. » En ce mois de décembre 1935, ils sont pourtant peu nombreux à célébrer le souvenir de “Toria”, une princesse à l'esprit acerbe et aux humeurs belliqueuses, aigrie par une existence passée au service de sa mère, la reine Alexandra, qui avait fait d'elle sa dame de compagnie. Célibataire, Victoria avait reporté son affection sur George, à qui elle téléphonait tous les jours et vouait un attachement exclusif. George V ne lui survivra d’ailleurs que quelques semaines. Emporté en janvier 1936, sans doute autant par la maladie que par le chagrin que lui a causé sa disparition.

La légende

Ce portrait d’Æthelflæd qui daterait du début du XIIIe siècle est conservé à la British Library de Londres (l’équivalent de notre Bibliothèque Nationale).

Celle d’Æthelflæd, princesse de Wessex puis Dame des Merciens (reine de Mercie) au temps où l’Angleterre était une mosaïque de petits royaumes rivaux fragilisés par des invasions de Vikings. Au début du Xe siècle, cette femme de tête, cheffe de guerre et fine stratège, mène des victoires décisives contre les envahisseurs scandinaves et met en place les politiques qui permettront d’unir peu à peu le pays sous la bannière de son frère, le roi Édouard l’Ancien. C’est en grande partie grâce à elle que le fils d’Édouard sera reconnu comme le premier roi des Anglais, en 927.

On vous raconte aussi

La véritable histoire d’Elizabeth et Margaret

La reine Elizabeth II et sa sœur, la princesse Margaret, à l’ouverture du Festival du film italien de Londres, en 1954.

Elle a fait tout ce qu'elle a pu pour s'évader de l'image que les Britanniques se faisaient des princesses. Elle a commencé à fumer à quinze ans et épousé un photographe, passé ses vacances sur l'île Moustique et des nuits entières à chanter. Du coup ni son époque ni l'histoire ne semblent jamais avoir vraiment pris au sérieux Margaret Rose, la sœur cadette d'Elizabeth II (alors que nous, si).

Comment en est-on arrivé là ? Enfant, Margaret souffre déjà de comparaisons défavorables avec son aînée. En 1950, les Mémoires de leur gouvernante, Marion Crawford, pourtant inoffensives en apparence, dressent les portraits des deux fillettes l'un contre l'autre (cliquer sur le lien pour écouter notre podcast). Elizabeth y apparaît sérieuse, attentive aux autres et posée. Margaret affectueuse, pleine d'humour et précoce intellectuellement, mais aussi obstinée, capricieuse et désordonnée. « On présentait toujours ma sœur comme irréprochable, disait-elle. C’était d’un ennui terrible, donc la presse a ensuite essayé de me faire passer, moi, pour une horrible méchante. » Et c'est vrai.

La princesse Margaret photographiée par Marcus Adams en 1939 (elle allait alors avoir neuf ans).

Margaret a aussi très vite des chagrins à porter. Plus le temps passe, plus il devient clair qu'au contraire de sa sœur, elle ne sera jamais « que » un membre de la famille royale comme les autres. Inséparable de Lilibet depuis toujours, elle se dit incapable d'imaginer ce que sera la vie sans elle lorsque son aînée se marie avec le prince Philip, en novembre 1947. Quatre ans plus tard, la disparition prématurée de leur père, le roi George VI, la laisse désemparée.

Elle n'aurait pas aimé être reine et – contrairement à ce qui a pu être écrit ici ou là – jamais elle n'a conçu de jalousie envers sa sœur. « Ma pauvre », dit-elle à Elizabeth le 10 décembre 1936, lorsqu'elle réalise que son aînée est devenue l'héritière du trône. « Les problèmes qu'elle rencontrera tout au long de sa vie seront nombreux et souvent graves, écrit l'une de ses biographes, mais elle sera toujours consciente que celui-là au moins lui a été épargné. »

Elizabeth (à gauche) et Margaret dans le parc du château de Windsor, en 1947.

Les deux sœurs resteront proches en dépit de leurs personnalités si différentes, de leurs divergences, de leurs destins contrastés. L'affection qui les lie résistera à l'histoire d'amour malheureuse entre Margaret et Peter Townsend, un ancien écuyer de George VI, au milieu des années 1950. À l'époque, Elizabeth II, gouverneur suprême de l'Église anglicane, ne peut, en dépit de la tendresse et de la compassion qu'elle éprouve pour sa cadette, lui donner son accord pour qu'elle épouse un divorcé.

Si Margaret effectue chaque année un nombre important d’engagements officiels, ses envies de liberté s’affirment parfois dans des rébellions dérisoires. Elle boude la réception donnée pour le 10e anniversaire de mariage de Lilibet, lui jette une serviette à la figure lors d’un pique-nique en Écosse et lui dit un jour : « occupe-toi de ton empire, et fiche-moi la paix. » Mais elle ne tolère rien chez les autres qui puisse ressembler (même de loin) à un manque de respect envers son aînée. « Dites “votre sœur” au lieu de “la reine”, confie l'un de ses proches, et vous êtes immédiatement remis à votre place. »

En 1968, Elizabeth II et sa sœur inaugurent ensemble le Chelsea Flower Show de Londres, le salon horticole le plus prestigieux au monde.

La princesse ne cessera jamais d’affirmer publiquement son admiration pour Elizabeth II. « À ma manière, humblement, j’ai toujours essayé de la soulager d’une partie du fardeau qui pèse sur ses épaules, disait-elle. Elle ne peut pas tout faire. Je saisis chaque opportunité qui m’est donnée de l’aider. […] Je trouve qu’elle a une aura. Il y a en elle quelque chose qui m’impressionne énormément. »

La vidéo

En 1953, la France se passionne pour le grand amour de Margaret.

Pendant des années, le gouvernement et les autorités de l’Église anglicane s’opposent au mariage de la princesse et de Peter Townsend, un ancien pilote de la Royal Air Force élevé au grade de colonel qui fut longtemps l’écuyer du roi George VI. Townsend est en effet divorcé et père de deux enfants.

Poussée par son Premier Ministre, Winston Churchill, Elizabeth II se résoud en 1953 à l’exiler à Bruxelles – où le montre cet extrait des Actualités françaises (pour voir la vidéo, cliquer ici). Deux ans plus tard, Margaret, « consciente, dit-elle, des enseignements de l’Église et de son devoir », renonce à l’épouser.

Vos questions

Les courriels que vous nous avez envoyés ces dernières semaines montrent bien l’émotion que vous avez ressentie à l’annonce du cancer de Charles III. Vous êtes aussi plusieurs à commenter les difficultés que traverse la famille régnante, dont plusieurs membres sont actuellement confrontés à des problèmes de santé. Nous répondons ici à Pascal, qui habite à Montpellier.

« La famille royale a-t-elle déjà connu une situation semblable par le passé ? »

Dès la fin des années 1940, le roi George VI, qui souffre de graves problèmes circulatoires et d’un cancer du poumon, est contraint de se placer en retrait de la scène publique. Enceinte à deux reprises entre 1948 et 1950, sa fille aînée Elizabeth (l’héritière du trône) fait le choix, à l’époque, d’accompagner son mari, le prince Philip, à Malte, où celui-ci sera posté en tant qu’officier de Marine jusqu’en 1951. George VI a également perdu l’un de ses frères pendant la Seconde guerre mondiale.

L’épouse du souverain, la princesse Margaret et la sœur de George VI, la princesse Mary (dont nous vous avons parlé plus haut), vont donc assumer à elles trois un nombre important d’engagements officiels. Une période souvent un peu oubliée de l’histoire récente de la royauté britannique pendant laquelle Margaret va faire la démonstration éclatante de son aptitude à occuper les premiers rôles. Et de son charisme de star de cinéma.


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Quelques infos à emporter

🌹Le dire avec des fleurs, c’est possible avec les pivoines Princesse Margaret, très parfumées, faciles à cultiver, à commander ici ou bien encore ici. C’est bien aussi avec le rosier Princess Anne, couvert de grappes de fleurs d’un rose intense à la belle saison.

👜 Il accompagne la princesse dans tous ses déplacements : le sac cabas Longchamp, collection Le Pliage (voir la collection).

🧣L’écharpe que Charles III a offerte à tous les membres de sa famille pour Noël sera de nouveau disponible à la vente à la fin du mois d’avril. Vous pouvez d’ores et déjà la précommander sur le site de la boutique de Highgrove (domaine qui fut longtemps la résidence principale du souverain)… en prévision de l’hiver prochain !

📚Æthelflæd est l’une des héroïnes des Chroniques saxonnes de Bernard Cornwell, aux éditions Bragelonne. Nous n’avons pas eu le temps de terminer les six volumes de la série, mais ce que nous pouvons vous en dire c’est que : 1. Nous avons plutôt bien aimé ce que nous en avons lu. 2. Pour les découvrir sur le site de l’éditeur, c’est ici.

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À bientôt !

La princesse Charlotte et ses frères, le prince George (à gauche) et le prince Louis, le jour du Trooping the Colour, en juin 2022. La fille du prince et de la princesse de Galles (William et Kate), qui aura neuf ans en mai prochain, pourrait un jour, une fois son père devenu roi, être créée à son tour Princesse Royale.

💌 Post-scriptum. Nous espérons que cette newsletter vous donnera envie de nous retrouver tous les mois. N’hésitez pas à nous faire un retour sur ce que vous aimez ou non, simplement en répondant à ce mail ou en cliquant ici.

📸 Crédits photos : Ouverture : Trinity Mirror / Mirrorpix / Alamy ; La gloire de mon frère : Pool / Getty Images (portrait de la princesse Anne), SuperStock / Alamy, PA Images / Alamy, David Cooper / Alamy ; On remonte le temps : Trinity Mirror / Mirrorpix / Alamy, Allstar Picture Library Ltd / Alamy ; Æthelflæd : British Library ; La véritable histoire d’Elizabeth et Margaret : collection privée (merci à N. K.), SuperStock / Alamy, PA Images / Alamy ; La princesse Charlotte : dpa picture alliance / Alamy.

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