Reines en France

Le pays où les souveraines de Grande-Bretagne se sentent plus libres qu'ailleurs.

Le roi Charles III et la reine Camilla effectuent cette semaine leur première visite d’État dans l’Hexagone – vous allez sûrement en entendre beaucoup parler.

Nous avons choisi, avec marguerite, de faire un pas de côté pour vous proposer un autre récit : les heures joyeuses et libres que les souveraines de Grande-Bretagne sont souvent venues chercher de ce côté-ci de la Manche.

Les reines aiment Paris et nos régions. Les histoires qui suivent sont celles de moments d’humanité dérobés à la scène officielle et à ses obligations à heures fixes. Celle de Victoria et de son âne sur les hauteurs de Nice, de Queen Mum et de ses talents cachés pour l’harmonica, de Camilla faisant ses emplettes sur un marché de la capitale, ou encore d’Elizabeth II surprise à la sortie d’un petit restau en Normandie.

C’est parti…

Nous étions là…

… quand Camilla s’est baladée incognito (ou presque) sur un marché parisien.

Elle flâne le long des étals et, heureuse d’être là, distribue des « bonjour, Madame » et des « bonjour, Monsieur » aux Parisiens éberlués. Marché Raspail, 28 mai 2013. Accrochée à son parapluie, la belle-fille d’Elizabeth II se plie en souriant aux sollicitations des passants qui l’arrêtent pour se faire photographier à ses côtés et répond avec bonne humeur aux questions qu’ils lui posent. Elle confie à une inconnue impatiente de tout connaître de ses talents domestiques que « oui, bien sûr », il lui arrive encore de faire elle-même un peu de cuisine et de ménage.

Accompagnée par sa secrétaire particulière et entourée d’un service de sécurité discret, l’épouse du prince Charles achète trois foulards, poursuit ses emplettes avec des sachets d’abricots secs et d’olives. S’attarde, quelques mètres plus loin, devant un stand de vêtements pour enfants où elle choisit des robes à smocks pour ses petites filles, Eliza et Lola, âgées de cinq et six ans.

Une petite tranche de liberté choyée, choisie, assumée

C’est la toute première fois que Camilla effectue un déplacement à l’étranger en solo. Elle est venue rencontrer les bénévoles de la communauté Emmaüs de Bougival, mettre en lumière le travail d’une association d’anciens combattants, visiter la caserne de la Garde républicaine, le musée du Louvre et les ateliers de couture de Dior. Le marché c’est une pause, une petite tranche de liberté choyée, choisie, assumée.

Les Parisiens, qui n’espéraient probablement rien de plus qu’une silhouette inaccessible, se découvrent sous le charme d’une femme qui n’a rien oublié des six mois « épatants » passés parmi eux en 1963 – elle avait alors seize ans et étudiait le français à l’Institut britannique, dans le quartier des Invalides. Camilla reconnaît que sa maîtrise de la langue de Molière est maintenant un peu « comme ci comme ça », mais qu’importe. Son sac, une pochette en raphia tressé brodée d’un « Paris » terminé par un cœur, parle pour elle…

L’album photos

Crédits : Keystone-France/Gamma Rapho via Getty Images ; Chris Radburn /PA Images/Alamy Banque d’Images

À Chinon, le 19 avril 1963, Queen Mum, la mère d’Elizabeth II, part sur les traces de Jeanne d’Arc… qui, au XVème siècle, avait bouté les Anglois hors du royaume de France. Camilla, l’épouse du prince Charles, sur le marché Raspail, en mai 2013 (nous, c’est aussi le regard incrédule de la dame au béret rouge qu’on aime bien).

Champagne rosé, harmonica et clair de lune…

Les vacances de Queen Mum

La mère d’Elizabeth II adorait la France, ses régions, ses vins et ses villages, et y passait chaque année une semaine au printemps. De tous les membres de la famille royale, c’est elle qui connaissait le mieux notre pays. Retour en quelques anecdotes sur les aventures hexagonales d’une majesté à la vitalité débordante.

🏰 Facile à vivre. Consciente qu’en termes de sécurité et d’intendance ses visites sont toujours un casse-tête pour les châtelains qui l’hébergent, la veuve du roi George VI insiste pour que l’accueil soit bon enfant et sans protocole particulier. « Nous la recevions très simplement, racontera l’un de ses hôtes. Nous nous retrouvions régulièrement assis dehors, entourés de mobilier arrangé sur des tréteaux. C’était exactement ce qu’elle souhaitait. “Ce sont mes vacances”, disait-elle. »

👧🏻 Populaire. Une femme de chambre, employée d’une grande famille installée dans le Sud de la France, déclarera d’ailleurs tout haut trouver la reine mère « bien plus commode que Madame ».

🍾 D’humeur festive. Une nuit de 1983, alors qu’elle séjourne près d’Épernay, dans la Marne, Queen Mum fait réveiller le personnel pour qu’on lui apporte du champagne rosé, dont l’envie lui a été inspirée par le clair de lune.

💐Prévenante. En 1976, en Bourgogne, elle veille en personne sur un gendarme de son escorte victime de multiples fractures après une chute de moto. Avec son amie la duchesse de Magenta, qui l’accueille à l’époque dans son château de Sully, elle attend 45 minutes que l’ambulance arrive en cueillant des violettes et des primevères sur le bord de la route. Tout en gardant bien sûr « un œil vigilant sur le capitaine ».

📯Inspirée. Un soir, en réponse à un jeune homme venu jouer du cor de chasse sous sa fenêtre, elle improvise une Marseillaise à l’harmonica.

📻 Fidèle. La mère d’Elizabeth II aimait rappeler que le 14 juin 1940, jour de l’entrée des troupes de l’Allemagne nazie dans Paris, elle s’était adressée à la radio aux femmes de France, dans leur langue, pour leur dire sa solidarité et son soutien. « Il arrivait que nous croisions dans les villages des femmes qui lui disaient l’avoir écoutée ce jour-là, raconte un membre de son entourage. Quand elles la voyaient, elles se précipitaient sur elle et elle adorait ça. »

📍Le saviez-vous ? Elle avait appris le français très jeune et le parlait parfaitement. Sa passion pour l’Hexagone était née en 1921, année où elle avait découvert Paris, la gaieté des nuits de la capitale et « les gens formidables qu’on y rencontre ».

La citation

J’avais senti alors le cœur des femmes de France battre tout près du mien.

QUEEN MUM DANS SON DISCOURS RADIOPHONIQUE DU 14 JUIN 1940. Son époux, Georges VI, régnait à l’époque sur la Grande-Bretagne depuis plus de trois ans.

L’album photos

Crédits : DR, Keystone France/GAMMA RAPHO

La reine Victoria dans sa petite voiture tirée par l’âne Jacquot, villa Liserb à Cimiez, sur les hauteurs de Nice, en 1885. Elizabeth II devant le palais des Papes à Avignon, en mai 1972.

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Comme chez elle

Victoria sur la Côte d’Azur

Le 15 mars 1895, une foule joyeuse envahit les rues de la vieille ville de Nice dans l’espoir d’apercevoir Lady Balmoral – le pseudonyme utilisé par la reine Victoria lorsqu’elle voyage. Sous le charme du Sud de la France depuis plusieurs années, la souveraine a réservé une suite au Grand Hôtel de Cimiez. Après d’âpres négociations, l’établissement lui a consenti un tarif basse saison de 40 000 francs pour six semaines.

Victoria débarque sur la Côte escortée par une dame d’honneur, six habilleuses, un chef français, M. Ferry, assisté d’un bataillon de garçons de cuisine, un cocher, une douzaine de grooms et une petite troupe de domestiques indiens. Elle a (aussi) apporté avec elle le mobilier de sa chambre, son cadre de lit en acajou, son miroir vénitien favori et une table en palissandre couverte de photos de famille.

Une touriste décidément (très) différente des autres

Sous le soleil de la Méditerranée, elle se sent comme chez elle. Les Niçois et les habitants des villages alentour se prennent vite d’affection pour cette touriste décidément différente des autres, petite dame à la silhouette replète inséparable de son modeste attelage – une voiture tirée par un âne prénommé Jacquot – et friande de contacts avec la population.

La reine se fait expliquer l’histoire des communes qu’elle visite, assiste à des réunions de la Société de poésie niçoise, au festin des Cougourdons qui célèbre l’arrivée du printemps ou encore à la bataille de fleurs sur la Promenade des Anglais. À son journal intime, elle confie son affection pour « ce beau pays, que j’admire et que j’aime tant ».

Vos questions

« Combien de fois la reine Elizabeth II est-elle venue en France ? »

Annie vit à Marseille et nous a envoyé cette question par email.

Source : INA

La souveraine s’est rendue à 13 reprises dans l’Hexagone, ce qui fait de la France le pays d’Europe qu’elle a le plus visité. En 1948 – elle est alors l’héritière du trône –, Paris accueille son premier voyage officiel en solo hors des frontières de la Grande-Bretagne.

Suivront : 

  • Cinq visites d’État, en 1957 sous la présidence de Vincent Auriol (voir l’archive en vidéo), en 1972 sous le mandat de Georges Pompidou (voir la vidéo), en 1992 avec François Mitterrand, en 2004 avec Jacques Chirac et enfin en 2014 avec François Hollande.

  • Plusieurs déplacements officiels, comme en juin 1984, où elle assiste aux commémorations du Débarquement, ou encore en mai 1992, à Strasbourg, où elle prononce un discours devant le Parlement européen.

  • Une série de séjours privés plus ou moins longs, notamment une tournée des haras de Normandie en mai 1967, et une visite de la Bourgogne et des châteaux de la Loire en octobre 1979.

    💬 Vous avez une question ? N’hésitez pas à nous la poser en répondant simplement à ce mail ou en cliquant ici. 

Un dimanche à la campagne

Elizabeth II Au Caneton

Crédit : Reporters Associés / Getty Images

Le 28 mai 1967, la reine déjeune à Orbec dans ce restaurant réputé de Normandie.

Deux messieurs – des inspecteurs de la Sécurité nationale – ont réservé « pour 14 personnes » dix jours plus tôt et fait promettre au chef Joseph Ruaux et à son épouse de ne partager avec personne ce qu’ils appellent alors « un secret d’État ».

Elizabeth II a choisi à l’avance le menu sur la carte : terrine de foie de volaille royale, caneton « Ma Pomme », salade, fromages locaux (camembert, livarot et pavé de pont-l’évêque) et petits fours, le tout accompagné d’un château Canon 1957 et d’un calvados hors d’âge du pays d’Auge. Elle souhaitait à l’origine déjeuner au milieu des autres convives, mais le 28 au matin consigne a finalement été donnée de dresser la table dans une salle à part, probablement pour des raisons de sécurité.

Rue Grande, la nouvelle de la présence de la souveraine s’est répandue de maison en maison comme une volée de moineaux. Lorsque celle-ci quitte le restaurant en tout début d’après-midi, ils sont plusieurs centaines d’Orbecquois massés sur la chaussée, aux fenêtres et sur les toits.

Elizabeth II, avant de partir, a dédicacé un menu à l’attention des époux Ruaux. « Votre métier est difficile, a-t-elle dit en français. Vous êtes des travailleurs, c’est très bien. »

Des infos à picorer

📚 On a lu. Les livres français favoris de la reine Camilla : Le collier de la reine, d’Alexandre Dumas ; Suite française, d’Irène Némirovski (aux éditions Denoël et en poche chez Folio) ; La femme au carnet rouge, d’Antoine Laurain (éditions Flammarion).

🍵 On aimerait aller. À Falicon, un village à une dizaine de kilomètres de Nice, pour y découvrir Au Thé de la Reine, l’auberge où Victoria faisait halte de temps en temps. C’est aujourd’hui un restaurant.

🥧 On a goûté. Le pavé anglais, spécialité de l’ancienne pâtisserie Bazeron à Beaune : un gâteau aux fruits confits imbibé de rhum et entouré d’une pâte d’amandes caramélisée. Suzanne, l’épouse de Maurice Bazeron, grande admiratrice de la famille royale britannique, avait envoyé ce dessert en cadeau à Elizabeth II à l’occasion de son couronnement, en 1953 – lors de son séjour privé en Bourgogne, Queen Mum avait tenu à la rencontrer. L’établissement, où le pavé est toujours en vente, est aujourd’hui la propriété du pâtissier-chocolatier Thomas Bouvart.

🍽️ Tables royales. Quelques adresses où Elizabeth II et sa mère sont allées déjeuner ou dîner : Roger la Grenouille, à Paris ; L’Auberge de L’Ill, à Illhaeusern, en Alsace ; Le Dauphin à Breuil-en-Auge, et Le Vieux Honfleur, dans le Calvados ; L’Oustau de Baumanière, dans les Baux-de-Provence.

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Crédit : Chris Jackson / Getty Images

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📸 Crédits photos d’ouverture : Alamy (Peter Barritt ; Underwood Archives, Inc ; Smith Archive ; WENN Rights Ltd.)

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