Premières rencontres

Trois princesses dans l'émotion et les incertitudes du premier rendez-vous

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Nous avions envie depuis longtemps de vous proposer un numéro sur les premières rencontres des couples régnants, avec leurs tensions, leurs mythes, leurs surprises.

Nous allons donc vous emmener dans les pas de Grace Kelly au palais de Monaco, le 6 mai 1955. Au château de Windsor, où, en mai 1836, le premier contact entre la future reine Victoria et le prince Albert se termine sur un malentendu. Ainsi qu’à Copenhague, pour y revivre ce soir de printemps 1966 où Margrethe, l’héritière du trône, se décide enfin à présenter son grand amour à ses parents.

Vous avez le programme. C'est parti…

Le prince et l’actrice de cinéma

Le jour où Grace Kelly a fait la connaissance de Rainier III de Monaco

Le souverain accueille la jeune comédienne dans les Grands appartements du palais. Photo : @edwardquinn.com

  • Grace Kelly est arrivée sur la Côte d'Azur le 5 mai 1955 pour présenter son nouveau film, Une fille de la province, au 8e Festival de Cannes.

  • Dans le train qui l'amenait depuis Paris, elle a fait la connaissance de Pierre Galante, un reporter du magazine Paris Match.

  • Ce dernier a déjà consacré un reportage au chef de l'État monégasque – « le dernier des princes charmants », a-t-il écrit, qui, à trente-deux ans, « reste un souverain solitaire ».

  • Le journaliste propose à la jeune femme d'organiser un rendez-vous avec lui, au palais, dès le lendemain. « Pourquoi pas ? répond-elle. Si je réussis à m’échapper du Festival pour quelques heures. »

  • Nous avons retrouvé les récits que la princesse Grace et son époux feront, bien des années plus tard, de leur première entrevue.

Le prince Rainier, qui donne à déjeuner dans sa résidence privée de Saint-Jean-Cap-Ferrat, à une quinzaine de kilomètres de Monaco, a accepté de rencontrer Grace Kelly à 15 heures et promis de « faire son possible » pour ne pas être en retard. Le temps presse en effet, car la jeune femme doit être de retour sur la Croisette à 17 heures 30.

La comédienne a quitté Cannes accompagnée de son amie Gladys de Segonzac, sa costumière sur le tournage du film La main au collet, de Pierre Galante, d'un journaliste du quotidien Nice-Matin, du directeur de la publicité des studios de la Metro Goldwyn Mayer et de deux photographes. À son arrivée à Monte-Carlo, on lui a fait servir à la hâte un sandwich au bar de l'Hôtel de Paris. Elle se présente maintenant devant l'entrée du palais dite des Petits Quartiers, là où les remparts de la forteresse des Grimaldi offrent une vue imprenable sur la mer.

« Je commençais à être très inquiète »

Pierre Galante découvre qu'« on ne manie pas les monarques comme de simples figurants ». Rainier III ne sera pas à l'heure, et Grace, qui doit présider en fin d'après-midi un cocktail offert par la délégation américaine au Festival du film, montre bientôt des signes d'impatience. « Je commençais à être très inquiète, racontera-t-elle. Cela rendait tout le monde nerveux. [Les journalistes] ont proposé que je fasse le tour du palais avec leurs photographes, pour m'occuper. »

Escortée par le premier maître d'hôtel de la résidence, la jeune femme visite les grands appartements et la salle du Trône. Vers 15 heures 50, les visiteurs sont avertis que la voiture du prince vient d'entrer dans la cour d'Honneur. Pris d'on ne sait trop quelle appréhension, on fait alors « répéter une dernière fois à Grace sa grande révérence de Cour ». Le moment venu, celle-ci l'esquisse à peine, surprise, dira Pierre Galante, par la simplicité de Rainier. « Confus, un peu intimidé ». Et qui présente des excuses pour son retard.

En mai 1955, Grace Kelly, âgée de vingt-cinq ans, est en couverture du magazine Ciné-Revue. Photo : Droits réservés / Coll. IAM

« J’avais été influencé par ce que j’avais vu dans ses films »

Si le souverain a accepté le principe d'un rendez-vous avec l'actrice américaine, ce n’est pas parce qu'on lui a expliqué que celle-ci est « intéressée par les demeures historiques », mais parce qu'il souhaite faire mieux connaître Monaco aux États-Unis afin d'attirer en principauté une clientèle nouvelle. Il a conscience que, de part et d'autre, cette rencontre est organisée à des fins de promotion.

Même s’il se passe probablement ce jour-là quelque chose de mystérieux, d’inexprimable, ce premier moment ensemble reste donc, sans surprise, « très formel ». La promenade dans les jardins s’effectue sous l’autorité vigilante des photographes. Rainier III, qui vient de recevoir en cadeau un couple de tigres de Sumatra, propose de s'approcher de la cage et s'amuse de la réaction de Grace, à qui, dit-il, les fauves « n'ont pas l'air de beaucoup plaire. » Il y a un je-ne-sais-quoi de rigoureux dans l’élégance de la jeune femme, comme dans sa manière d’être, de s’exprimer, et le prince se découvre « impressionné ». « Je pense que j'avais été influencé par ce que j'avais vu dans [ses] films, et tout était différent de ce à quoi je m'attendais, dira-t-il. Son anglais si parfait, si clair, le fait qu'elle soit aussi posée, qu'il soit aussi plaisant d'avoir une conversation avec elle – tout cela était une agréable révélation. »

Dans son numéro daté du 14 mai 1955, Paris Match consacre une double page à la rencontre. Photo : Coll. Archives du Palais de Monaco

« Extrêmement charmant, mais timide pour un prince »

Grace quitte le palais à 16 heures 30 sans même avoir eu le temps de prendre une tasse de thé – « ils avaient tous l'air si pressés, racontera le chef de l’État monégasque, que je n'ai pas insisté sur les rafraîchissements, qui étaient pourtant prêts. » Rainier III a apprécié les nombreuses qualités de la comédienne, mais ses sentiments, dit-il, « ne sont pas allés plus loin ». De retour aux États-Unis, la jeune femme confie à sa mère l'avoir trouvé « extrêmement charmant », bien que « timide, pour un prince ». Dans moins d'un an, tous deux seront mariés…

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L’important, c’est la robe

PHOTO 1 : Grace Kelly en couverture d’un numéro du magazine McCall’s consacré aux patrons de couture. PHOTO 2 : La réplique du vêtement, dont l’original n’a pas été conservé, a été présentée au Palais en 2019 dans le cadre de l’exposition consacrée à la première rencontre entre le prince Rainier et la princesse Grace (image Gaëtan Luci / Palais de Monaco / IAM).

Un rendez-vous avec un prince mérite quelque chose de sobre, une étoffe claire, un pli net, tout ce sur quoi une femme, en ce milieu des années 1950, sait pouvoir compter pour garantir l’élégance et la distinction de son apparence.

Ce 6 mai, Grace, qui réside à l’hôtel Carlton pendant toute la durée du Festival, a donc choisi une robe de thé d'un joli beige légèrement rosé pour rencontrer Rainier III. Mais une grève dans le secteur public provoque des coupures d'électricité prolongées sur la Riviera, et le vêtement, froissé, ne peut pas être repassé.

Son amie Gladys de Segonzac se met donc en quête d'une robe de remplacement. Elle apporte à la comédienne la seule qui lui paraît mettable : le modèle en taffetas sombre imprimé de fleurs roses et jaunes dans lequel Grace a posé il y a peu pour la une d’un magazine américain de patrons de couture. L'entourage de l’actrice a toujours trouvé la robe « affreuse ». « Ne la porte que si tu dois te rendre à une fête costumée », lui a dit l'une de ses amies.

La jeune femme va avoir beaucoup de mal, ce jour-là, à chasser la phrase de son esprit. Mais elle est convaincue qu'une fois l'article de Paris Match publié, les images – et la robe – tomberont d'elles-mêmes dans l'oubli…

Collectors

Les Annales monégasques, une publication des Archives du Palais princier, sont disponibles dans des versions brochée et PDF.

Si vous avez aimé l’histoire que nous venons de vous raconter, nous vous conseillons la lecture de ce numéro des Annales monégasques (disponible à l’achat en cliquant sur ce lien). Grâce à des documents inédits et à de nombreuses photographies, il retrace ces quelques journées du mois de mai 1955 qui ont fondé la légende moderne de la principauté. L’occasion de revenir sur les pas de Grace Kelly, dans les lieux mêmes où elle a rencontré Rainier III.

En 2023, les Archives du Palais princier ont également publié un volume intégralement consacré au prince à l’occasion du centenaire de sa naissance. Le dossier sur l’exposition qui a été présentée au palais cette année-là rassemble plus de 300 photographies du souverain dans ses différentes résidences, en famille et dans l’exercice de ses fonctions.

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Une histoire anglaise

🌼 L’amie prodigieuse de Charles et Camilla

Au début des années 1970, l’héritier du trône et Camilla Shand (son nom de jeune fille) ont, sans le savoir, une amie commune, Lucia Santa Cruz, la fille de l’ambassadeur du Chili à Londres. Celle-ci a raconté à Isabelle Rivère la soirée qui a tout changé.

« Camilla et moi, nous vivions dans le même immeuble à Londres, elle au rez-de-chaussée, moi au premier. Nous nous voyions tous les jours, nous passions beaucoup de temps l’une chez l’autre. C’est moi qui l’ai présentée au prince Charles, à l’automne 1971. Il rentrait du Japon et devait passer me chercher, ce soir-là, pour dîner ou prendre un verre. J’ai dit à Camilla “il faut absolument que tu le rencontres”.

Nous nous sommes retrouvés tous les trois dans mon tout petit appartement. Le prince m’avait rapporté un cadeau de son voyage – une boîte ravissante – et avait pensé à un présent pour elle aussi, sans même la connaître. Le courant est tout de suite bien passé entre eux, ils se sont immédiatement découvert des affinités, des goûts en commun. Et très vite, ils ont commencé à se voir. Moi-même, au début, je n’en ai rien su… »

Bonnes ondes

ELIZABETH ET PHILIP

Deux amoureux pris dans le tourbillon de l’histoire…

Victoria et Albert

Un premier rendez-vous raté entre une future souveraine qui n’a aucune envie de se marier et un prince qui aime se coucher tôt

Le prince Albert et la princesse Victoria, qui s’uniront en 1840.

  • À dix-sept ans, la princesse Victoria est l'héritière du trône de Grande-Bretagne et d'un empire qui compte parmi les plus vastes au monde. Les enjeux liés à son mariage sont immenses.

  • Son oncle Léopold, roi des Belges, nourrit secrètement depuis toujours le projet de l'unir à son neveu, Albert de Saxe-Cobourg-Gotha – un prince allemand. Il dispose d'atouts certains pour mener à bien son entreprise, puisqu'il est à la fois l'oncle, le conseiller et le mentor des deux jeunes gens.

  • Début 1836, le bruit court que Victoria est tombée amoureuse d'un noble écossais. Conscient qu'il doit maintenant avancer ses pions sans tarder, Léopold suggère à Albert de se rendre à Londres pour y faire la connaissance de la future reine.

🎶 Le jeune homme de seize ans qui se présente à Victoria le 18 mai 1836 est aimable et séduisant. Albert joue agréablement du piano, il aime la nature et les livres, envisage de poursuivre des études à l'université de Bonn, en Allemagne, et de vivre quelques années en Italie. Victoria, qui a toujours été sensible à la beauté masculine, décrit avec admiration dans son Journal intime les « yeux grands et bleus » de son cousin germain et « son nez ravissant ».

🎩 Mais le prince semble aussi de santé fragile. Albert supporte difficilement l'enchaînement de mondanités de la vie londonienne, les réceptions à plusieurs milliers d'invités, les dîners interminables et les soirées à l'opéra. Au bord de l'évanouissement après deux danses seulement, il doit quitter le bal donné pour l'anniversaire de Victoria. « Il est soudain devenu pâle comme la cendre », raconte la jeune femme dans son Journal. « Je suis désolée de dire que nous avons un invalide à la maison ».

🖌️ La princesse écrit tout de même à son oncle, le roi Léopold, pour l'assurer de l'excellente impression que lui a globalement faite son cousin. « Permettez-moi de vous dire combien il m'enchante, et à quel point j'ai tout aimé de lui. Il possède toutes les qualités que l'on pourrait souhaiter pour me rendre parfaitement heureuse. Il est si sensé, si gentil, si bon. Son allure et sa prestance sont en outre les plus plaisantes, les plus charmantes, que l'on puisse voir. »

👑 En réalité, Victoria ne souhaite pas se marier avant d'avoir vingt ans au moins. Albert lui semble bien jeune, sa maîtrise de l'anglais et du français lui paraît insuffisante – et que dire de cette habitude qui le pousse à toujours vouloir se coucher tôt. Victoria ne paraît pas avoir fait forte impression non plus à Albert, à qui certains ont dépeint la future souveraine comme une créature « incroyablement têtue » et qui se complaît dans les futilités de la vie de Cour. Plus de trois années vont maintenant s’écouler avant qu’ils se revoient…

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« Nous étions tous plus tendus les uns que les autres »

Quand l’héritière du trône de Danemark décide de présenter l’amour de sa vie… à ses parents

PHOTO 1 : Margrethe et Henri de Monpezat peu avant leur mariage, le 10 juin 1967. PHOTO 2 : Le couple au côté des parents de la princesse, la reine Ingrid et le roi Frederik IX, en 1967.

  • Au printemps 1965, la princesse Margrethe, la future reine de Danemark, rencontre le Français Henri de Monpezat à Londres, où elle poursuit ses études. « Je crois bien que c'est lui qui m'a remarquée, dira-t-elle, et non l'inverse ».

  • Les jeunes gens se revoient en avril 1966 en Écosse, où ils ont été invités au mariage d'une connaissance commune, et rentrent en Angleterre par le même avion. Elle se découvre alors très amoureuse.

  • Pendant des mois, tous deux se retrouveront en cachette, protégés par un cercle d'amis sûrs. Un week-end d'été, Henri demande à Margrethe de l'épouser. Une rencontre doit maintenant être organisée avec les parents de la princesse, le roi Frederik IX et la reine Ingrid, qui ignorent tout de leur idylle.

L’entrevue a lieu en août, à Copenhague, chez la comtesse Armfelt, l'une des dames d'honneur de Margrethe. « Nous étions tous très très inquiets, écrit-elle dans ses Mémoires. Mon futur époux et moi avions dîné chez la comtesse et mes parents devaient se joindre à nous pour le café. Nous avons entendu monter l'ascenseur. La comtesse Armfelt est allée ouvrir, j'ai dû annoncer : “Voici Henri de Monpezat”… et faire les présentations, mais je ne me souviens plus de ce que j'ai dit. »

Margrethe a vingt-six ans et connaît « un peu la vie », elle sait aussi que ses parents lui font confiance. Ensemble, ils ont déjà parlé maintes fois du mariage et de la vie conjugale. Frederik IX et son épouse ont souvent rappelé à leur fille que, dans la famille royale de Danemark, « on épouse toujours des étrangers ». Henri est l'héritier des comtes de Monpezat, mais il aurait pu tout aussi bien n'être promis à aucun titre – pour le couple régnant ces questions-là n'ont aucune importance. Ce soir-là, Henri converse en français avec la reine Ingrid, et en anglais avec le roi.

« Nous nous sommes assis sur le canapé et nous avons causé. L'atmosphère de cette rencontre n'était pas contrainte, mais intense. Car nous étions tous plus tendus les uns que les autres : j'étais très tendue, mon malheureux fiancé était très tendu et mes parents ne l'étaient pas moins. Pendant que nous causions, ma dame d'honneur était restée à la cuisine, à essuyer indéfiniment les mêmes assiettes. Il y avait eu deux plats pour le dîner, et je crois qu'elle a essuyé la vaisselle pendant une demi-heure ! »

Le roi et la reine accueillent « chaleureusement » leur futur gendre. Margrethe, elle, n'aura pas le temps de rencontrer ses beaux-parents avant que la presse danoise s'empare de son histoire d'amour. Son premier contact avec les Monpezat se fera… par téléphone.

Deux infos à emporter

📀 De son enfance solitaire à son ultime apparition publique au Festival international du cirque de Monte-Carlo, en 2005, le prince se raconte dans un très beau film, Rainier par lui-même, disponible en DVD sur le site de l’Institut audiovisuel de Monaco.

🌹Si marguerite était un jardin, nous y planterions le rosier Princesse Grace, créé en 1956 par Meilland, et la rose de Catherine aux teintes corail qui vient d’être créée en l’honneur de la princesse de Galles.

À bientôt !

💌 Post-scriptum. Nous espérons vous avoir donné envie de retrouver marguerite tous les mois. N’hésitez pas à nous faire un retour sur ce que vous aimez ou non, simplement en répondant à ce mail ou en cliquant ici.

📸 Crédits photos : Ouverture : Bettmann / Getty Images ; Le jour où Grace Kelly a fait la connaissance de Rainier III : @edwardquinn.com, Droits réservés / Coll. IAM, Coll. Archives du Palais de Monaco ; L’important c’est la robe : DR, Gaëtan Luci / Palais de Monaco / IAM ; Victoria et Albert : Royal Collection Trust ; Margrethe de Danemark et Henri de Monpezat : Allstar Picture Library Ltd, Ritzau / Alamy, Classic Picture Library ; Rainier III et la princesse Grace : Zuma Press, Inc / Alamy.

© marguerite est une création originale de la société Marguerite éditions. Tous droits réservés. Toute reproduction, même partielle, interdite.